mercredi 10 février 2016

Dernier acte...



Le départ est imminent! 

Mais avant, je voulais vous parler de ma dernière mission. Dans le cadre du programme DACOTA, j’ai eu la chance de pouvoir prolonger mon séjour ici et d’aller travailler sur un lieu d’exception, le glacier de l’Astrolabe. 

Le glacier de l'astrolabe vue du ciel
Ce glacier a la particularité d’être facilement accessible, puisqu’il se situe à environ 5km de la base Cap Prud’homme, qui se situe sur le continent et elle-même à 5km de la base Dumont d’Urville. Afin d’étudier sa dynamique à partir de sa vitesse de surface, 9 stations GPS ont été implantées en différents points stratégiques.
Le materiel arrive!
Ces stations sont permanentes et restent donc sur place l’hiver. Ceci est une contrainte de plus, puisqu’il va falloir qu’elles résistent à des températures relativement basse, de l’ordre de -30°C, des vents catabatiques avec des vitesses allant et dépassant parfois les 200km/h, ainsi qu’à des nuits polaires. Le but étant d’obtenir des données sur l’année complète, les stations sont équipées de panneau solaire qui permettent de recharger des batteries qui elles, alimentent le module GPS donnant plusieurs fois par jour la position de la station. Ce système a fait ses preuves, puisqu’il permet d’obtenir des données fiables depuis plusieurs années, lesquelles ont permis de montrer que ce glacier se déplace à une vitesse d’environ 400m/an. Pour comparaison, les glaciers dans les Alpes se déplacent quant à eux à une vitesse de 50m/an en moyenne.
Évidemment, une maintenance est requise chaque année, pour vérifier l’état du matériel. Le problème le plus courant et qui est dû à la fonte, est une chute partielle de la station. 

Penchée...
D’autres problèmes comme l’enneigement, des pannes électriques, ou de déchargement des batteries se rencontrent également.

Enneigée...
Cette année, nous avons eu au total une douzaine de sorties à effectuer pour réimplanter au final 7 stations sur 9. Dans un premier temps, il faut récupérer le matériel en place (batteries, panneaux solaires, poteaux…). Cette opération peut parfois s’avérer très longue... Une fois le matériel récupéré et en fonction de son état, il est réutilisé pour rééquiper une nouvelle station.
Pour implanter une station, 3 trous sont réalisés à l’aide d’une tarière. 

Le chef à la tarière
Puis, il faut équiper la station de ses différents éléments et consolider l’ensemble. Pour ce faire, et en plus de la station elle-même, 4 haubans sont installés pour rigidifier la structure et limiter une chute éventuelle due à la fonte estivale. Ceux-ci sont réalisés à l’aide de corps morts enfouis à environ 80cm de profondeur. Et pour pouvoir les mettre, il faut bien évidemment excaver un gros paquet de glace à la tronçonneuse!

Moi à la tronçonneuse
Une fois la station en place, des visites régulières sont effectuées jusqu’en fin de saison pour vérifier l’état des stations car c’est au début qu’elles sont le plus fragile, et également vérifier le bon fonctionnement des GPS. 

Marche encordée entre 2 stations
La dernière sortie a été faite hier pour une ultime récolte des données, et tout est en ordre pour l’hiver approchant. Il ne me reste plus qu’à boucler mon sac et profiter des derniers jours sur le continent blanc avant de profiter des vacances en Tasmanie!

L'astrolabe dans toute sa splendeur
Retour en France prévu pour fin mars :)















lundi 2 novembre 2015

Un igloo à DDU?!



 La troisième tentative fut la bonne. 

Le projet de construire un igloo a pris forme lors de la MidWinter en juin. A ce moment-là, nous voulions construire un igloo surdimensionné pour y prendre l’apéro et pouvant accueillir jusqu’à 24 personnes. 

Le premier essai fut un total échec. Après avoir monté 3 rangées de blocs pour un diamètre de 4m, un catabatique avait complétement nettoyé la plate-forme où nous avions prévu d’installer notre « igloo-bar ».
Fort de cette expérience, un deuxième essai fut tenté dans un endroit plus abrité du vent. D’un diamètre un peu plus modeste, d’environ 3m, l’igloo a vu le jour mais malheureusement, il s’affaissa rapidement sous son poids du fait d’une base pas très ronde. Il n’a donc jamais servi...

Igloo terminé!!

Mais après quelques mois passés, l’envie de réaliser un troisième igloo beaucoup plus modeste, juste pour pouvoir y dormir à 2 ou 3 revint et c’est pourquoi je me relançais dans une nouvelle construction. Profitant d’un temps stable, ensoleillé et sans vent, la construction ne prit que 3 après-midis, contrairement à ce qui est annoncé dans le guide de l’AustralianAntarctic Division (ou l’AAD) : 2 petites heures… Enfin, après 3 jours de découpe et d’assemblage, la version 3.0 de l’igloo adélien est née!

Réveil difficile...
L'igloo de jour, vu de l'intérieur
La première nuit passée dedans ne fut pas des plus reposantes mais cela reste quand même une expérience unique! Même si on avait un duvet conséquent prévu pour du -20°C, le réveil fut un peu frais… 

Duvet grand froid
De nombreux autres hivernants auront tenté l’expérience par la suite, ce qui fait qu’il aura bien servi! Mais avec le retour de l’été et des températures un peu plus chaudes, sa fin est proche…

L'igloo de nuit


PS : Le bateau n’est plus qu’à 168km: arrivée prévu mardi midi, soit demain...

En bonus, la vidéo de construction!




dimanche 25 octobre 2015

La balade des caps


Même après un an d’hivernage, on arrive encore à trouver de nouvelles balades! Sur les dires d’un ancien hivernant qui m’avait parlé d’une zone de chaos, qui de son point de vue était la plus belle qu’il ait vu dans le coin, nous partîmes à l’aventure dans cette direction, c’est-à-dire au nord de cap Géodésie, un cap bien connu à environ 8km à l’ouest de la base.

La fine équipe à cap Odile
Après être passé par Gouverneur, une île assez vaste à 3km de DDU, petit crochet par cap Odile où l’on peut observer une magnifique falaise de glace. On remarque ici aussi des strates marrons qui nous montrent que l’Antarctique, à contrario de l’Arctique, est bien un continent,même si son socle rocheux est à 98% recouvert de glace. En effet, en s’écoulant vers la mer, les glaciers charrient de la roche arrachée au continent donnant ainsi cette couleur caractéristique observable sur certaine falaise ou iceberg.

Phoque de Weddell se prélassant sur la banquise
Après cette petite pause et à quelques encablures de là, cap Géodésie. Une fois arrivés, on tombe nez à nez sur une vingtaine de phoques de Weddell qui en profitent pour se prélasser sur la banquise par une journée agréable et ensoleillée mais aussi pour se reposer en vue d’un futur accouchement. Et oui, nous sommes dans la période de reproduction de cette espèce et on attend donc avec impatience l’arrivée du 1er veau. On en profite pour faire une halte pour un petit casse-croûte, le premier de la saison d’ailleurs, mais pas trop longtemps non plus car même si les journées sont maintenant belles et longues, les températures sont encore un peu fraîches pour trop s’attarder! Mais on voit bien que l’hiver est fini et que l’été approche à grands pas.Un petit thé pour se réchauffer et hop c’est reparti pour un tour!

C'est l'heure du casse-croûte!
On se dirige alors droit vers une zone à moins d’un kilomètre qui semble être ce que l’on cherchait. Une fois sur place, on ouvre grand les yeux et on profite de l’architecture surprenante et unique de blocs de glace bleue sculptés par le vent, posés de-ci de-là, on se demande parfois comment ils sont arrivés jusque-là, d’un mini chaos et de falaises grandioses.

Structures de glace
Cheval de glace
Poisson de glace
Vous vous demanderez peut-être pourquoi certaines falaises ou icebergs paraissent bleus… En voici la réponse. La glace subit d’énormes pressions depuis d’innombrables années. La compression élimine alors les bulles d’air emprisonnées et donc les surfaces réfléchissantes. Ainsi lorsque la lumière « blanche » du soleil vient frapper la face d’un iceberg ou d’une falaise, les longueurs d’onde de faible énergie (rouge, orange, jaune) sont rapidement absorbées alors que celles de plus haute énergie sont plus largement propagées et ont ainsi plus de chance d’être réfléchies par les rares bulles d’air encore présentes. C’est ce qui donne cette couleur bleue si particulière.

Dans le chaos
Roches suspendues
Falaise de glace
Puis, petit détour par Fram, que certains voulaient voir avant le retour sur base. Finalement, les efforts finissent par payer et après avoir sillonné la banquise à la recherche du 1er veau ces dernières semaines, c’est au détour d’un iceberg aux abords de Fram qu’on l’aperçoit enfin! Fraîchement arrivé, le nouveau-né prend doucement conscience et possession de son corps avec une mère qui veille au grain! Quelques photos, un thé ou une gorgée d’eau, et c’est un retour fastidieux qui s’annonce avec 8km de marche sur une banquise sans relief… Ce n’est pas tant la distance qui n’est au final pas très longue mais plutôt le fait de ne jamais voir la base au loin se rapprocher et grandir.

1er veau!!
Heureusement, un milk-shake nous attendait à l’arrivée, ce qui a motivé les troupes jusqu’au bout!


PS : J'avais oublié mais je suis inscrit à un concours de blog qui se termine dans 1 semaine!!
Donc si vous voulez, vous pouvez voter sur http://amaepf.fr/concours-du-meilleur-blog/votez-en-ligne.





















jeudi 8 octobre 2015

Bière made in DDU


La dernière fournée vient de voir le jour!

Avec seulement 600 packs de 24 pour l’année et pour 24 personnes, le stock s’est vite amenuisé et il a bien fallu se lancer dans la fabrication de bière artisanale.

Je plaisante bien évidemment! Mais rien ne vaut une bonne bière made in DDU après de longs mois d’hivernage. C’est donc pour le plaisir des papilles et l’expérience que le premier brassin est né.
Tout d’abord, un grand merci à Ty’Clem, un campagnard de l’été dernier, qui m’a très généreusement laissé son kit de bière. Je ne pouvais qu’en faire bon usage!

Nettoyage des bouteilles
Une fois le protocole établi, somme toute assez simple, c’est avec une « blonde » que j’ai fait mes premières armes. La première étape, la plus importante, consiste à nettoyer à l’eau chaude et désinfecter tout le matériel, ce qui permet d’éliminer ou au moins de limiter les contaminations qui peuvent donner par la suite un mauvais gout à la bière.

Fût de 25L et son thermomètre
Puis, les différents éléments constituant la bière (houblon, malt, sucre…)sont ajoutés dans un fût de 25L et homogénéisés. Une fois la température idéale atteinte (entre 21 et 27°C), la levure est ajoutée et la première fermentation commence. Le taux d’alcool est censé être mesuré et contrôlé via un densimètre mais une erreur de manip a vu celui-ci brisé par terre avant même sa première utilisation. Du coup, aucune prise là-dessus mais le degré d’alcool devrait se situer autour de 5°. Le bulleur installé sur le haut du fût permet de connaître la fin de la première fermentation qui dure une dizaine de jour. En effet, les levures qui transforment les sucres en alcool vont dégager lors de ce processus du CO2 qui va s’échapper et créer ainsi un débit au niveau du bulleur. Une fois qu’il n’y a plus de bulles, les levures ont fini de manger! Et on peut ainsi passer à l’étape suivante, l’embouteillage.

Ajout de sucre
Mais avant de verser le précieux liquide dans les bouteilles, une nouvelle quantité de sucre (6 à 8g par litre) est ajoutée. Une fois la bouteille remplie et scellée, une seconde fermentation commence. Celle-ci dure également une dizaine de jours mais la bière n’atteindra son optimum qu’après une période d’environ 1 mois.
Voilà pour le processus de fabrication, il ne reste plus qu’à les consommer, sans modération bien sûr!

Le premier opus ayant été un franc succès, une seconde fournée d’ambrée a été réalisée. Elles sont encore en maturation mais seront bientôt dégustées.

Cave à bière
Petit plus, une super étiquette qui fait toute la différence!

Bière made in DDU

mardi 15 septembre 2015

Raclette à Marret


Tout était si bien organisé… Mais l’antarctique, pays de l’incertain et de la météo hautement dépendante a encore frappé.

La cabane Marret en été
Tout était prévu pour samedi soir mais du mauvais temps étant annoncé pour le samedi avec un mur de neige en approche, la raclette à Marret est finalement avancée au vendredi. Il n’y a pas si longtemps, enfin pendant l’été, on pouvait aisément avoir accès à la cabane Marret mais avec l’hiver et ses précipitations, elle est maintenant totalement enneigée, ce qui complique un peu les préparatifs. Mais qu’à cela ne tienne, une équipe déneigement est mobilisée afin de creuser un passage pour y avoir accès. Après 1h30 d’effort, un chemin est enfin dégagé.

La cabane Marret en hiver...
Le jour J, même si la météo n’est pas top avec de la neige et du vent (40-50kts), les préparatifs ayant été faits, la raclette est maintenue. Et puis, on est héros polaire ou on ne l’est pas! Du coup, départ à 19h du séjour pour ceux qui désirent tenter l’aventure, pour les autres des crêpes seront servies au séjour par un groupe dissident.

On s'installe bien gentiment
A table!
Une fois arrivée, tout le monde s’installe et les appareils sont mis en chauffe. La cabane n’étant pas chauffée et dépourvue d’électricité, elle a quand même 52 ans, l’électricien nous a gentiment changé le coffret électrique. On a donc pu mettre remettre l’électricité et un peu de chauffage pour faire passer la température de -16°C à 0°C, une température bien plus conviviale, même si certains ont toujours froid!

Il fait quand même 0°C!
A l’intérieur, étant sous 1m de neige environ, on est complétement isolé du vent et on ne perçoit rien du bruit extérieur. Le repas se passe sans encombre malgré le manque crucial de cornichons! La réalité de l’extérieur nous revient à l’esprit quand il s’agit d’aller aux toilettes car évidemment il n’y en a plus de fonctionnel à l’intérieur et il faut donc aller lutter contre les éléments pour pouvoir se soulager. Petite anecdote, Coco a failli se perdre en allant pisser alors qu’il n’était qu’à 2m du trou. Mais bon sans masque, ni frontale, moins évident de retrouver l’entrée…

Les premiers départs se font et seuls les plus courageux d’entre nous, vont passer la nuit ici. Après avoir discuté quelques temps, il est temps d’aller se coucher. Les duvets « grand froid » sont de mises et les 5 rescapés se mettent dans la même pièce pour limiter les pertes de chaleur car chauffage et appareils à raclette ont été coupés.

Au dodo
Au réveil, après une nuit pas des plus reposante, nous constatons que l’entrée est complétement enneigée. Après avoir creusé un trou depuis l’intérieur avec les dents, non je rigole on avait une pelle J, on ne s’éternise pas trop pour le petit-déjeuner vu la température. Et ce sera finalement au séjour qu’il sera pris. Le matériel sera ramené un autre jour, où le temps sera plus clément.

Bloqué...
Libéré!
Cela faisait 6 mois qu’on en parlait, maintenant c’est fait!

















dimanche 13 septembre 2015

Petit à petit, l'oiseau fait son nid


Je vous avais laissé dans mon dernier article concernant les empereurs à l’heure des naissances. Il s’est écoulé depuis ce temps-là presque deux mois, autant dire une éternité!

Lever de soleil sur la manchotière
Depuis, les aller-retours des mâles et femelles entre la mer et la colonie sont de plus en plus nombreux et fréquents et permettent un nourrissage plus conséquent des poussins. Au tout début les poussins sont exclusivement nourris avec ce que l’on appelle du « lait de manchot ». En effet, après 2 mois d’incubation, le mâle n’a plus grand-chose à lui offrir, mais avec l’arrivée des femelles bien repues par leur voyage en mer, une sorte de bouillie mélangeant le « lait de manchot » et le fruit de leur pêche (poisson, krill et calmars) leur sera donné.

Traces de manchots
Premiers pas en solitaire sur la neige
Au chaud dans la poche incubatrice, les petits marmots se développent vite. 2 mois après leur éclosion, les premiers poussins s’émancipent thermiquement. Ils ont alors un duvet et une couche de graisse suffisamment épaisse pour sortir de la poche et commencer à se promener seuls, sous la surveillance des parents bien entendu!

Exploration du territoire
Car attention, avec les échecs que certains couples ont connus et qui n’ont pas réussi à conserver leurs progénitures, des « rapts » s’organisent. En effet, un poussin qui s’éloigne trop de son parent, une glissade, une bousculade, un abandon… autant de situations propices au kidnapping du poussin. La majorité des manchots impliqués dans ces rapts sont des manchots en échec avec un taux d’hormone de soin parental (la prolactine) resté élevé, à tel point qu’il devient alors vital de s’occuper d’un poussin, n’importe lequel! Malheureusement, la plupart du temps, le poussin ainsi kidnappé se voit rejeté quelques heures plus tard. Il sera alors de nouveau kidnappé, récupéré par son parent d’origine si cela n’est pas déjà fait, ou alors devra se débrouiller seul pour survivre après une émancipation forcée.

Rapt: mais où est le poussin?!
Et comme un effet papillon, l’éclosion des poussins coïncide avec le retour des pétrels géants. Etant protégé de par leur position dans la poche incubatrice, il a fallu attendre les premiers pas pour observer les premières prédations. En effet, les pétrels géants qui se nourrissent d’ordinaire de poissons vont changer leur régime alimentaire pour devenir carnivore et ainsi pouvoir élever à leur tour leur progéniture. Végétariens, prenez-en de la graine!

Combat entre 2 pétrels géants 
Les manchots n’étant pas des animaux très agressifs, le pétrel géant circule aisément dans la colonie quand celle-ci n’est pas trop serrée. S’en suit alors une partie de cache-cache où le poussin va devoir ruser pour ne pas se faire attraper car les pétrels géants sont de nature patiente et attendent l’occasion parfaite pour se saisir d’un poussin grassouillet sans se fatiguer.

Pas de chance pour celui-là...
Les empereurs étant par nature des animaux sociaux, les poussins se rassemblent rapidement en crèche sous la surveillance d’un adulte pour premièrement lutter contre le froid et deuxièmement car le nombre fait la force! Ainsi, protégés par des adultes en nombre décroissant, les poussins se regroupent au centre de la colonie afin d’éviter la périphérie où les pétrels géants rodent…

Formation des premières crèches